Dans ma rue, Sharia Qawala ou Mohmed Mahmud selon les cartes et les envies, la vie commence tôt. A 5 heures du matin, le muezzin débute son récital, premier acte d’une pièce quotidienne en cinq temps. La nuit est alors encore profonde et le quidam réveillé par cette logorée divine se rendort lentement. Puis, le soleil apparait sur ma rue encore somnolante, les plus matinaux se dirigent alors vers la mosquée.
A grands coups de marteau et de ponceuse, les voisins du dessous, des mécaniciens se mettent au travail. Les moteurs commencent à chauffer. Ca sent un peu l’essence dans ma rue, mais la légère brise qui balaye le balcon draine de nouvelles odeurs. Un premier vendeur ambulant traverse la rue en vantant à haute voix les mérites de ses produits. Passe ensuite la charette du ramasseurs de veilleries bonnes pour la poubelle ou pour la revente. Tous les matins je scrute le marchand de foul en pensant à mon futur petit déjeuner. Mais, ce dernier d’habitude posté devant la mosquée a déserté le lieu depuis l’Aid El-Kebir. Le reverrai je un jour ?
Le repasseur d’en face vient de lever son rideau, comme tous les matins il s’installe derrière son fer à repasser. Un vieux monsieur, son frère dit – on dans le quartier, s’assied alors sur sa chaise. Ce dernier partira bientôt livrer aux clients leurs habits fraîchement repassés et reviendra à son poste étirer ses members souffrant de rhumatismes, tranquillement. Juste en face se tient l’échoppe d’un menuisier. Toute la journée il fabrique avec amour des fauteuils et autres méridiennes. Feuilles d’or et morceaux de bois trainent toujours sur les troittoirs. J’ai la chance d’avoir une épicerie dans ma rue, tout la journée le père et ses quatre fils se relayent derrière le comptoir. Le coiffeur d’à coté ne semble pas avoir beaucoup de succès, il est ainsi plus courant de le voir assis devant sa télévision que le ciseau dans la main.
Grâce aux guirlandes rouge et verte accrochées à un arbre, il est facile de reconnaître ma rue, aussi le café qui fait l’angle est toujours plein de vieux joueurs de dominos. De l’autre coté du carrefour, l’angle de ma rue est occupé par une boulangerie proposant des donuts au chocolat. Juste face se trouve Magdi, mon ami vendeur de délicieux jus de fraise et de goyave. Ma rue est bien éclairée, les éclairages publics fonctionnent presque tous. Un militaire est toujours assis sur son siège déglingé sous l’un d’entre eux. Fusil à la main il surveille, je ne sais toujours pas ce qu’il surveille mais une chose est sure, il le fait bien. Une vielle ambulance est toujours garée dans ma rue. Tous les chats sauvages du quartier y ont élu domicile.
En face de chez moi se dresse une série de petits immeubles à trois étages. Les volets poussiéreux ne sont jamais ouverts alors, ce matin comme hier, ils sont encore fermés. Les toits semblent tous à bout de force, mais comme tout le monde sait la chute n’est pas pour demain, inch’allah. Un peu plus loin sur la gauche se trouve une mosquée dont l’on ne voit que la façade, des hommes barbus duscutent souvent sur les marches, verres de thé fumants à la main. Un stand de livres est toujours dressé sur la rue, on peut y acheter des livres sacrés ou des bâtons d’encens. Des hauts parleurs sont installés aux quatres coins de ma rue. Quand le muezzin prend la parole tout s’arrête, c’est l’instant sacré de la prière. A genoux et tournés vers La Mecque les hommes prient.
Dans ma rue les trottoirs ne sont pas vraiment défoncés et ne servent ni de terrasse de café ni de dépotoires. C’est agréable de marcher dans ma rue. De mon balcon j’appercois le gigantesque palais royal Abdeen bordé de pelouses et de palmiers. Le roi Farouk devait je l’espère lui aussi aimer observer ma rue de sa fenêtre.