March 13, 2010

A Shaky Habit / La sociologie du carton

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It began back in Zambia, the paths of flattened cartons like small French flags trampled underfoot. Thick white cartons with bold blue and red stripes, like the kind one expects to find their skim milk in if their early experiences were as my own, waiting in cafeteria lines of an American public school. Americans famously drink large quantities of milk. I remember being very young and seeing pro-dairy propaganda saying “Milk, it does a body good!” Well I thought Zambians, and later Malawians, were the healthiest people in the world based on how much milk they must be drinking. But of course, I’m leading you on with this naïve sentiment, as you are well aware that I’m building up to a discovery which juxtaposes any such façade of innocence. So let’s have then shall we?

2010_02_06_64743Possibly the greatest substance known to man, this multifunctional fluid (complete with brilliantly simple packaging/marketing) multi-tasks as breakfast porridge, aperitif, liquid dinner, and social digestive all rolled into one. With so much magic packed in, why is this incredible product not famous all over the world, and indeed, responsible for world peace? One simple reason: it’s possible the grossest thing I’ve ever tasted.

Chibuku: Shake Shake (Chih-Boo-Koo: Shaky Shaky)

Named on account of its need to be shaken before use, is a corn meal based beer (without bubbles) with a terribly sour taste and wretched smell. It’s a favorite drink in the region (particularly in Malawi), due partly to its cost, and partly due to peoples inability to nourish themselves with anything which isn’t corn based (imagine liquid nsima). In Malawi, most children begin the morning with corn flour porridge (the richer families being able to add milk and honey to the watered down mix), then eat their corn flour nsima for both lunch and dinner, snacking in between with grilled or boiled maize on the street. Also one of the most popular industrial drinks (non-alcoholic) is Maheu, which is basically a sandy-feeling corn flour drink in various flavors (banana, pineapple, red berries, milk and honey, millet and honey, chocolate, etc) whose classic flavor is just a sweet corn flour smoothie comparable to Chibuku in principle. Let’s just say it isn’t a far stretch to imagine why Chibuku has found an eager audience in the region.

2010_02_06_64303 As a consequence of Chibuku’s very sour flavor, young men who have not yet developed their taste for alcohol often mix Chibuku with milk and honey the way they might take porridge. Many people can be found drinking Chibuku early in the mornings with slices of bread on their way to work. People who enjoy Chibuku will claim that it’s as nutritious as a small meal (you shake to mix the corn grains back into the liquid), and some even replace their meals with it (and I can confirm, one liter carton, which is the only size available, will fill you for the entire afternoon). But where does one go to enjoy this exotic refreshment? Well in Malawi you have essentially four classes of drinkers. The first who only drinks kachasu (unless they suddenly come into a quick sum of money, so they might be able to treat themselves to a Chibuku), another locally brewed spirit, very bitter, very powerful and very cheap (only 10 kwacha a glass). Kachasu is made from the bran of maize, sugar and yeast. Kachasu is technically illegal, so you’ll have to ask around the neighborhood to find the mama who brews it herself (usually a popular lady in the quarters). The second is your Chibuku drinkers (again, who might on a weekend “dilute” their maize meal with a beer) who can purchase a liter of their magic porridge for 75 kwachas. They must go to either what is labeled a “tavern” or a Chibuku House (both of which only serve Chibuku). Finally, those who can afford and prefer beer can either go to the third option: a bottle store (basically a bar since almost no bars have draft beer) where most middle class drinkers hang to play pool, watch football, or converse over a 33 ml bottle for 150 kwacha, or the fourth option: a “bar” which is the same thing but is frequented by upper class clientele only and can be much more expensive.

2010_02_04_61944 Outside taverns reek of uncooked bread, rotten vegetables and infected wound. This is what Chibuku smells like after being exposed to the air for a while, though at first is only very yeasty. The large piles of old cartons get re-used by both children and adults to plant small trees and bushes for sale, or to construct home-made toy cars and boats. Chibuku Houses are often the largest constructions in a town and sometimes in villages the only places with a generator. Taverns only employ women to serve, and one explanation habitually given for that is that women are also traditionally the producers of Chibuku and other home brews. But never have I seen a woman drinking from the cartons. No matter what time you go to a tavern, you’d be surprised to not find a good crowd enjoying a carton-packed “meal”.

There are similar drinks, traditionally brewed and served without alcohol similar to Chibuku, such as thobwa (millet based) which is brewed in a large clay cauldron, though often sold in old plastic mineral water bottles on the street for very cheap. But don’t get any ideas; if it doesn’t say SHAKE on the bottle, it’s just not as magical as Chibuku.

Where Chibuku is grown! / A l'origine du Chibuku : un champs de maïs

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Tout a commencé dans une allée boueuse et parsemée de petits emballages aux couleurs bleu-blanc-rouge. C’était en Zambie. Mais quel produit peut ainsi utiliser autant de cartons aux couleurs ressemblant de loin à un drapeau français ? Ces derniers sont partout, dans les villes et les campagnes, ils s’entassent dans les caniveaux et les rivières formant ainsi souvent à eux seul une montagne, véritable décharge à ciel ouvert. Bientôt quelqu’un y mettra le feu et il ne restera alors qu’un tas de cendre. Cet étrange récipient n’est dans le fond qu’une brique, une brique comparable à un pack de lait que les petits écoliers américains transportent dans leurs cartables. Les habitants de la région seraient- ils  d’avides consommateurs de lait buvant ainsi litres après litres et ce jusqu’à la dernière goutte ?

2010_02_04_61374 Cette boisson est peut être à ce jour la plus grande création humaine de tous les temps. Le Chibuku est une substance liquide multifonctionnelle à l’emballage et au marketing brillant. Pour plus d’un habitant d’Afrique Australe cette boisson difficilement qualifiable fait office de porridge matinal, d’apéritif, de diner-liquide et souvent de digestif. Son potentiel social est immense, les amateurs de Chibuku sont en général des gens très bavards. Avec tant de bienfaits concentrés dans une seule brique, pourquoi cet incroyable produit n’a-t-il pas encore fait le tour du monde ? Elément de réponse : peut être parce qu’il s’agit de l’une des substances les plus détestable que l’homme ai jamais crée.

Le Chibuku est une bière industrielle non gazeuse faite à base de maïs concassé et fermenté à la saveur très particulière et terriblement acide. Il est indispensable de secouer le carton - shake-shake, avant ouverture. Notamment parce que son prix défie tout concurrence, il s’agit de la boisson préférée des malawites. Le Chibuku est aussi une solution pour les individus qui peinent à se sustenter avec autre chose qu’un aliment ou une boisson à base de maïs. Car le maïs est ici bien plus qu’un ingrédient de base, il est in-di-spen-sa-ble. Pour une grande partie de la population ne pas en manger trois fois par jour est tout simplement impensable.

Généralement consommé à tous les repas, le maïs est utilisé pour la préparation de nombreux produits industriels. Tous les matins, les enfants commencent la journée avec un porridge de farine de maïs (avec du lait et du miel pour les plus chanceux), le nsima, une pate toujours à base de farine de maïs comparable à l’ugali, est servie au déjeuner et au diner. Entre les repas sont souvent grignotés quelques épis de maïs grillés ou bouillis. Le Maheu, une mixture industrielle granuleuse parfumée à la banane, au chocolat ou au millet (et toujours à base de maïs), est une boisson non très appréciée, une variante du Chibuku plus fruitée en quelque sorte. Bref, un malawite sans maïs est aussi malheureux qu’un éthiopien sans injera… Il est ainsi facile de comprendre pourquoi le Chibuku a tellement de succès dans un pays où l’alimentation se limite souvent au maïs.

Les jeunes hommes qui n’ont pas encore développé un goût pour l’alcool et n’apprécient gère l’acidité du Chibuku, mélangent ce dernier avec du lait et du miel, ce qui en fait par conséquent un porridge alcoolisé et très sucré. Tôt le matin, il est assez fréquent de croiser un amateur de carton à secouer qui en guise de petit déjeuner consomme du Chibuku accompagné d’un morceau de pain ou d’un beignet. Les spécialistes, souvent ivres, vous dirons que la boisson est aussi nutritionnelle qu’un déjeuner simple, certains en font même d’ailleurs leurs repas. Un litre de Chibuku est en effet aussi nutritif qu’une portion de nsima.

Même si il est incontestablement le plus consommé, le Chibuku n’est pas le seul breuvage consommé dans le pays. Il est même possible de définir cinq catégories de buveurs au Malawi.

2010_01_28_55992Les premiers sont les amateurs de kachasu, un alcool à base de peau de maïs, de sucre et de levure fait maison. Très puissant, un verre coûte 10/20 kwacha ($1 = 150kwacha). Pour avoir fait de nombreuses victimes, sa production et son consommation sont en principe interdites, il faut donc savoir où se rendre car les brasseuses-contrebandières savent rester discrètes. Les amateurs de kachasu ont en général tendance à se laisser tenter par quelques briques de Chibuku un jour de bonne fortune. La seconde catégorie de buveur consomme du Chibuku, mais ces derniers ne résistent pas longtemps à une vraie bière quand leurs finances le permettent. Le Chibuku s’achète et se consomme dans des tavern ou les Chibuku house très souvent peintes aux couleurs de l’emballage. Un litre coûte en général 75 kwacha. Pour les nantis qui n’aiment que la bière, blonde ou brune, restent les bottle store. Bars branchés, ils attirent les classes moyennes qui se retrouvent autour d’une table de billard ou d’un match de football. Une bouteille de bière de 33cl coûte environ 150 kwacha. Dernière option : les bars qui ressemblent fortement à des bottle store mais aux standards plus élevés, ces lieux plaisent par conséquent une clientèle plus huppée.

The wee hours / Au petit matin...

2010_02_04_61383 D’une Chibuku House se dégage une odeur de pain non cuit et de légumes pourris, elles sont ainsi très faciles à localiser. Ces dernières sont en général les constructions les plus imposantes du quartier et parfois même les seules à disposer d’un générateur en cas de coupure de courant. Il est rare de trouver une taverne vide. Vers 9 ou 10 heures, les premiers clients arrivent et au crépuscule la taverne commence à déborder. En fin de soirée, les serveuses coupent la musique et balayent les clients trop saouls en même temps que les centaines de cartons abandonnés sur le sol. Les tavernes n’emploient en général que des femmes, cela s’explique communément par le fait que ces dernières soient celles à produire le Chibuku comme les autres alcools d’ailleurs. Mais jamais une femme ne boira un Chibuku à même une brique. La vie d’un litre de Chibuku se poursuit souvent bien au-delà des espérances. Les cartons qui s’accumulent dans la cour et les rues sont souvent réutilisés par des enfants qui en font des véhicules à roulettes en tout genre (en récupérant des capsules de soda pour les roulettes). Les marchants de plantes quand à eux en font des pots et des germoirs. Il n’est pas rare de voir quelques chandeliers fait à base de cartons de Chibuku.

Pour ceux désirant varier leurs régimes alimentaires et mettre de coté le maïs, il existe d’autre boisson non alcoolisée similaire au Chibuku. Le thobwa est une bonne alternative. Faite à base de millet et concoctée dans un large chaudron en terre cuite, le liquide est vendu sur le bord de la route dans de petites bouteilles en plastique. Mais ne vous y trompez pas, si le breuvage n’est pas à shake-shake, il ne sera jamais aussi magique que le Chibuku.

Soyons fair-play, le débat reste ouvert :

Unicum hongrois contre Chibuku malawite : lequel des deux est le plus détestable ?

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